Marcel, moi et mon frère
Nous devons cette histoire à Marcel, 93 ans, qui la raconte après l'avoir vécue au pied de la montagne qui l'a vu naître, en Savoie, où il vit toujours. Telle qu'il la dit, l'œil clair et bleu, l'accent trempé, les scansions mesurées, le rire prêt à jaillir, l'histoire qu'il raconte devient bien sûr celle de son propre récit. La bande de Moebius n'est pas seulement affaire des vallées. Et Marcel n'a pas eu besoin de connaitre la définition du signifiant pour savoir se réjouir d'en être joué.
- Tiens, v'là moi et mon frére, qu'on disait... deux vieux garcons ces deux-là... sont de la ferme du Passieu....y a celui qui travaille à Marcinelles ...et celui qui joue de l'accordéon.
- À Marcinelles....chez les belges ?
-Non, Marcinelles d'ici, Marcinelles-en-Montagne...là où les belges ont fait leurs colos....
- Ici ? En Savoie ?
- Ben oui, là-haut, là où y a des mines... ils ont appelé le patelin Marcinelles, comme chez eux... et comme c'est ici, ça a fait Marcinelles-en-Montagne...
- Alors attends....qui est-ce qui travaille chez les belges ?
- c'est moi...
...mon frère, lui, il joue de l'accordéon.
On a jamais bien su comment ils s'appelaient... mais y avait moi et mon frère... on savait de quoi on parlait...
....et puis un jour, moi a fait enterrer mon frére. Parce que celui qui est mort en premier, ben c'est forcément mon frère.
Vu que celui qui reste....
- ... c'est moi...
-ben oui, c'est moi... enfin...
.... tiens le v'là...! Tu vois, depuis que mon frère est mort, moi et mon frère passe quand même de temps en temps... il vient boire une bière au comptoir... mais il sort quand même de moins en moins.
Paraît qu'il s'est mis à l'accordéon.
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